PALéO#2.6: *Une histoire de merde(s)! Des coprolithes aux toilettes.

*attention chronique scatologique, âmes délicates s’y préparer…

le 01/05/2022

Un peu comme pour la question que je me suis posée à propos des morts (chronique#17), j’en suis venu à me demander comment les premiers sédentaires, Natoufiens et autres proto-villageois du Néolithique, avaient géré leurs excréments? En effet, après des millions d’années de liberté, à pouvoir se soulager où bon leur semblaient, les humains ont dû rapidement être confrontés à ce problème qui peut vite devenir assez emmerd… je veux dire complexe. Ma curiosité insatiable m’a donc conduit à m’intéresser aux solutions trouvées par nos ancêtres sédentarisés pour se débarrasser de leurs déjections quotidiennes et à rechercher quand étaient apparues les premières toilettes (au sens chiottes, trônes et autres WC; pas les tenues). Ces recherches m’ont aussi permis de réaliser que les étrons de nos ancêtres sont un sujet d’étude à part entière, si j’ose dire, permettant d’en apprendre un peu plus sur les humains préhistoriques, avant même leur sédentarisation, en apportant des éléments que les crânes, les squelettes et autres restes un peu plus nobles de notre anatomie ne peuvent révéler sur ce qu’ils mangeaient ou sur leur état de santé.

Le terme coprolithe, du grec kópros « excrément » et líthos, « pierre », a été inventé pour nommer les excréments de dinosaures, et pour décrire au sens large, de la matière fécale fossilisée conservée par minéralisation ou par dessiccation. Les dinosaures ont régné sur terre pendant des millions d’années, leurs déjections fossiles sont très courantes, on en trouve même très facilement sur internet, minéralisées donc transformés en pierre, pas desséchées, rassurez-vous… j’ai même trouvé des colliers en perles de coprolithes d’origine dinosaurienne garantie! L’étude des coprolithes a ensuite dépassé le cadre des sauriens du jurassique et a été appliquée plus largement à l’ensemble des animaux laissant « derrière » leur passage ce matériel analysable et précieux, y compris donc à notre propre espèce. Leur étude est devenue une spécialité en soit, avec quelques laboratoires spécialisés dans ce domaine.

Il faut clairement une expertise certaine pour les étudier; leur forme, leur couleur et leur composition permettant de déterminer leurs producteurs potentiels. Mis à part les Wombats qui sont les seuls mammifères à faire des déjections cubiques, il est en effet parfois difficile de différencier certaines productions. Par exemple, les étrons canins et humains se ressemblent beaucoup, aussi bien par leur forme que par leur couleur, confirmant l’adage que les toutous finissent par ressembler à leurs maîtres et vice versa. Cela tient certainement au fait que l’intérieur des parties distales de nos tubes digestifs doit se ressembler et mouler de façon similaire ce qui y transite. De plus, depuis leur domestication, les chiens, ces anciens loups, ont en effet une nourriture assez similaire à celle de leurs maîtres rendant donc également leur couleur et leur texture similaires… La situation est encore plus complexe qu’un seul problème d’aspect, même les études ADN ne suffisent pas forcément à les différencier car les chiens peuvent manger les déjections de leurs maitres et donc contenir de l’ADN humain, et, surtout, nos fidèles et premiers compagnons pouvaient faire occasionnellement partie du menu de nos ancêtres, la présence de leur ADN dans des coprolithes ne certifie donc pas forcément qu’ils en étaient les géniteurs. Des méthodes récentes basées sur l’identification de produits de digestion des stérols permettent d’y voir plus clair dans ce merdier et d’identifier avec plus de précision le tube digestif dans lequel les coprolithes ont été produits. A la pointe de l’innovation, une équipe de l’Institut Max Planck en Allemagne a même récemment développé un outil basé sur l’intelligence artificielle (corpoID, ça ne s’invente pas!) qui permet de distinguer les déjections humaines des crottes du plus ancien de nos animaux domestiques! Tous ces efforts pour des crottes… certes, mais cela a son importance! Le loup a été domestiqué il y a plus de 15 000 ans et, depuis, il a accompagné son maître fidèlement dans la plupart de ces migrations à travers les continents. Il est donc important de différencier les déjections de l’un et de l’autre mais aussi d’être sûr de l’identification de celles de nos amis à quatre pattes car leur présence signifie que leur maître n’était certainement pas très loin.

Outre leur présence et l’identification de leur producteur, les coprolithes sont une source importante d’information. L’étude biochimique de leur composition permet d’en apprendre un plus sur le régime alimentaire qui peut être complétée par des études ADN. On peut également y retrouver des traces de parasites (œufs de différents vers intestinaux) et étudier le microbiote par séquençage permettant de suivre l’évolution de la flore intestinale à travers les âges. Elles sont donc un complément très instructif et complémentaire aux autres études archéologiques et à celle des autres restes humains, et sont même parfois les seules traces humaines disponibles. C’est le cas en Amérique du Nord où les premiers arrivants n’ont laissé que peu de squelettes, mais heureusement quelques déjections solides qui ont permis d’en savoir un peu plus sur ces mystérieux premiers colonisateurs, c’est aussi ce qui explique que les leaders du domaine soient des groupes issus d’universités Nord-américaines.

La plus ancienne déjection à avoir été étudiée est celle déposée il y a 50 000 ans par un ou une Neandertal dans les cendres d’un foyer (mauvaise blague pour les prochains occupants?) que des archéologues étaient en train de dégager sur un site paléolithique très fréquenté par notre ancêtre archaïque situé dans le sud de l’Espagne, au lieu dit El Salt, près d’Alicante. C’est la couleur de ce dépôt et sa fluorescence en lumière bleue qui ont mis les archéologues sur la voie de sa réelle nature, confirmée par la présence de lipides dérivés du cholestérol spécifiques des déjections humaines même archaïques (coprostanol et 5ß-stigmastanol), il s’agissait donc bien de la plus ancienne merde humaine jamais identifiée. L’analyse des lipides contenus dans cet artefact a aussi permis de confirmer que Neandertal se nourrissait de viande, comme on le supposait depuis longtemps, mais aussi de végétaux, graines et autres baies, et qu’il n’était donc pas que carnivore, en tout cas celui ou celle qui s’était soulagé dans cet abri. Ces données en confirment d’autres qui avaient mis en évidence des traces d’usures caractéristiques sur les dents et étudié le contenu de plaques dentaires suggérant que Neandertal ne mangeait pas que de la viande. L’analyse de ce précieux coprolithe a aussi permis de caractériser la flore intestinale néandertalienne. Les plus anciennes analysées auparavant étaient celles de coprolithes qui ont été retrouvés dans différents sites des Amériques ou directement à partir de prélèvements intestinaux de momies amérindiennes et d’Ötzi, l’Hibernatus néolithique (chronique#16), et remontait donc au maximum à 8 000 ans. L’analyse de la flore intestinale de cette crotte néandertalienne a révélée qu’elle contenait des espèces de bactéries présentes chez les humains modernes anciens, certaines sont encore présentes à notre époque chez des populations protégées de la malbouffe industrielle. Une partie de notre flore remonte donc vraisemblablement à notre dernier ancêtre commun avec Neandertal et donc à plus de 600 000 ans.

Les Amériques ont été le dernier continent conquis par l’homme et uniquement par Moderne. Pendant longtemps, les spécialistes ont pensé que le premier peuplement datait d’il y a 13 000 ans, à la fin de la dernière période glaciaire, ce qui aurait permis aux ancêtres de la culture Clovis de profiter de la fonte partielle de l’épaisse couche de glace qui recouvrait toute la région comprenant l’Alaska et le Canada actuels. Il existe cependant de nombreuses évidences, même si elles restent souvent contestées, qui suggèrent que des groupes humains seraient arrivés sur ce continent bien plus tôt, avant le dernier maximum glaciaire, il y a 20 voire 30 000 ans. La plus spectaculaire correspond à des traces de pas sur les berges d’un lac maintenant asséché du nouveau Mexique. Ces empreintes de pieds fossilisées dégagées par l’érosion remonteraient à 23 000 ans (illustration, chronique#22). L’étude des coprolithes a aussi apporté sa contribution à une meilleure compréhension du peuplement des Amériques, notamment grâce à ceux retrouvés dans la grotte de Paisley dans l’Oregon datés de 14 900 ans. Même si leur nature humaine a été sujet à controverse, à cause de problèmes liés à une potentielle contamination récente, l’analyse des lipides a permis d’apporter des preuves supplémentaires que ces crottes avaient bien été produites par des humains et attestaient donc de leur présence en Amérique du Nord 2 000 ans avant la culture Clovis. Accessoirement, ils ont aussi permis de savoir que ces Américains de la première vague mangeaient pas mal de graines et occasionnellement du mammouth!

La sédentarisation puis l’urbanisation ont provoqué des bouleversements majeurs de nos modes de vie, et, posé des problèmes nouveaux que l’humanité a mis plusieurs siècles voire des millénaires à régler. Le problème de nos excréments est un des plus complexe et un de ceux qui a été résolu le plus tardivement, en tout cas partiellement. Comme la gestion des déchets ménagers, il reste cependant d’actualité dans de nombreuses zones urbaines défavorisées où la mauvaise ou la non gestion de leur évacuation est la source principale de contamination des sources d’eau potable par des parasites et des agents pathogènes causant des troubles intestinaux, épidémies et maladies infantiles graves. Deux chiffres m’ont sidéré: 3,6 milliards de personnes ne disposent pas d’un accès à des installations sanitaires dignes de ce nom et au moins 2 milliards de personnes boivent de l’eau provenant d’une source contaminée par des matières fécales (voir site OXFAM).  En Inde, ce problème reste tristement d’actualité, même si des efforts récents ont été entrepris. Dans ce pays organisé par le système des castes depuis des millénaires, les traditions sont tenaces, le ramassage à la main des excréments « abandonnés » à l’extérieur des habitations ou dans les toilettes archaïques a longtemps été une des tâches attribués aux intouchables. On peut vraiment se demander comment peut-on en être encore dans cette situation alors que des systèmes très performants équipaient il y a plusieurs milliers d’années, à l’âge de Bronze, des villes entières….

Le Natoufien regroupe une période qui a précédé le Néolithique proprement dit au cours de laquelle des chasseurs-cueilleurs ont mis en place au Levant, pour la première fois, un mode de vie sédentaire reposant en partie sur la récolte de céréales sauvages (-12 000 av JC).  Ce nouveau mode de vie organisé autour de proto-villages constitués de maisons pérennes et de zones de stockage va avoir des conséquences importantes jusqu’à nos jours, comme l’apparence d’une faune commensale (souris, moineau, chats; chroniques#2,3,5) et surtout la gestion des morts et la mise en place de sépultures proches des habitations (chronique#17). Ce nouveau mode de vie a aussi dû faire surgir le problème de la gestion des déchets ménagers et plus particulièrement de celui les excréments. Alors qu’il y a toute une littérature sur l’émergence des sépultures au Natoufien, je n’ai rien trouvé à me mettre sous la dent pour ce qui concerne la gestion de ce problème odorant par ces premiers villageois. Il est vraisemblable qu’ils faisaient leurs besoins dans la nature, les petits coins tranquilles n’étaient pas très difficiles à trouver à l’extérieur de ces petits hameaux qui ne regroupaient jamais plus que quelques maisons.

Çatalhöyük est un des plus anciens village du Néolithique fouillé depuis des dizaines d’années (chroniques#17) et caractérisé par son architecture agglutinante où les maisons rectangulaires sont accolées les unes aux autres. Ces fouilles ont révélé la présence de zones dans lesquelles étaient jetées les déchets courants appelées « zones dépotoirs » (midden areas) qui pouvaient se trouver dans les espaces libres entre les maisons ou dans des maisons laissées inoccupées. Ces dépotoirs sont de vraies mines de renseignements sur la vie quotidienne des habitants qui y ont jeté leurs restes alimentaires, les débris de leur vaisselle, les cendres de leur foyer et ce qu’elles contenaient, mais aussi leurs déjections… En effet, les toilettes n’ayant pas encore été inventées,  les habitants de cette bourgade, plusieurs milliers d’habitants à l’époque la plus dense, ont du trouver d’autres moyens de s’en débarrasser! Ces coprolithes humains retrouvés dans ces dépotoirs et d’autres prélevées dans des sépultures au niveau du bassin des défunts, à l’endroit correspondant aux intestins et à ce qu’ils contenaient, ont fait l’objet d’analyses principalement parasitologiques. Elles ont mis en évidence la présence d’œufs d’un parasite intestinal humain, le trichocéphale (Trichuris trichuria), dans seulement deux des coprolithes analysés. Comme le disent les auteurs de cette étude, il est impossible de savoir si ces 2 coprolithes proviennent de deux personnes différentes ou d’une seule personne s’étant soulagée deux fois… quoiqu’il en soit, le peu de parasites détectés, deux échantillons contaminés seulement et par une seule espèce de ver n’infectant que les humains, démontre que les Çatalhöyükien/iennes vivaient dans des conditions d’hygiène remarquables pour l’époque, en accord avec la propreté de leurs maisons qui étaient très régulièrement nettoyées et blanchies à la chaux.

Les quelques autres études similaires réalisées sur des sites néolithiques à Chypre (-7 000) ou en Espagne (-5 000) montrent, elles, la présence de très nombreux parasites intestinaux zoonotiques différents, témoins de la proximité et des « échanges » avec les animaux domestiques, ce qui restera la norme pendant très longtemps. En effet, des parasites similaires ont été identifiés dans les canalisation d’une toilette antique découverte à Jérusalem datant de l’époque du premier temple et dans des matières fécales solidifiées au fond de ce qui a longtemps été pris pour un vase mais qui s’est avéré être un pot de chambre découvert dans une villa Romaine de Sicile. Le record du nombre d’œufs de parasites étant semble-t-il détenu par le coprolithe qui détient aussi celui de la taille la plus imposante (20 cm de long, 5 cm de diamètre) et celui du plus cher (estimé à 39 000$), déposé il y a un peu plus de 1000 ans, dans ce qui devint les locaux de la Lloyds Bank à York, par un viking présentant visiblement quelques troubles de transit…

Pour en revenir aux habitants de Çatalhöyük, à l’hygiène irréprochable, eux, il reste un mystère de taille, comment expliquer concrètement la présence de leurs crottes dans ces dépotoirs? Est-ce qu’ils s’y rendaient pour y faire leurs besoins ou est-ce qu’ils les y déposaient (comment?) après avoir déféquer (ou?)? Ces dépotoirs étaient proches des habitations mais étaient jonchés de détritus de tous genres, entassés sur des mois, voire des années apparemment. Je ne les vois pas vraiment, eux si propres et précautionneux de leur intérieur, se livrer à ce genre d’exercice peu hygiénique puis retourner chez eux après avoir mis les pieds dans ces immondices. Il me semble plus vraisemblable qu’ils utilisaient des pots de chambres qui n’ont pas encore été identifiés. Ce qui me fait pencher pour cette hypothèse, c’est l’architecture particulière de leurs habitations, sans porte ni fenêtre, la seule entrée se trouvait sur le toit, sur lequel il fallait grimper pour y accéder et emprunter une échelle qui permettait de descendre dans la grande pièce unique. Je me dis qu’il devait être bien difficile de sortir précipitamment, pour soulager un besoin urgent, de plus en pleine nuit, sans éclairage, à une époque ou les lions, léopards, hyènes et autres serpents faisaient encore partie du décor quotidien dans ces contrées encore majoritairement sauvages. Il me semble donc que l’hypothèse du pot de chambre ne me semble pas complètement tirée par les cheveux. Reste à les trouver! L’analyse du contenu des fonds de certains « vases » exposés dans les musés permettraient peut être d’y voir un peu plus clair!

L’émergence des cités-États et l’urbanisation vont aboutir à la densification très importante des populations et l’apparition d’une caste politico-religieuse se faisant construire des palais et des temples au luxe démesuré. C’est dans ce contexte qu’on voit apparaître en Mésopotamie (Uruk, -3 400) les premières « toilettes » situées dans un espace isolé, et équipées d’un système d’évacuation ou de gestion des excréments (toilettes sèches, fosses sceptiques). Avec les progrès de l’irrigation et des canalisations en céramique, les toilettes avec sièges ou à la turc avec évacuation des eaux usées se démocratisent dans le croissant fertile comme à Ugarit (ouest de la Syrie) et en Crète, dans les palais de la civilisation minoenne (-2 000). Certaines villes de la mystérieuse civilisation de l’Indus (Harrapa) sont impressionnantes de modernité de ce point de vue là. La quasi totalité des maisons y présente des toilettes équipées d’un système d’évacuation des eaux usées vers des égouts extérieurs passant sous la voie principale avec un système d’eau courante permettant l’évacuation des eaux usées. La civilisation de l’Indus disparaitra avec son savoir faire (-2 000), 4 000 ans plus tard l’Inde voisine semble terriblement en retard sur cette civilisation antique.

Plus proche de nous, les romains avaient développé eux aussi des systèmes de toilettes assez proches de ceux qu’on peut encore utiliser (à quelques variantes près). Les études sur les sites de Pompéi et Herculanum ont montré que la plupart des maisons des quartiers aisés disposaient de toilettes privées avec fosses sceptiques qui étaient vidangées par des esclaves spécifiquement dédiés à cette tache ingrate. Les romains disposaient aussi de toilettes publiques, les latrines, sans séparation, où ils pouvaient se soulager entre amis ou avec des inconnus (jusqu’à 80), mais vraisemblablement uniquement entre représentant du même sexe… En plus de partager cette intimité, ils utilisaient tous le même Xylospongium pour nettoyer leur fondement. Cette éponge naturelle montée sur un bâton ancêtres de nos « balais à chiottes » étaient tout de même passée dans une eau vinaigrée entre deux utilisateurs… ceci expliquant sans doute cela,  malgré l’existence de toilettes privées et publiques, les romains étaient en général porteurs de nombreux parasites intestinaux (voir ci-dessus).

Le délitement de l’empire Romain provoqua dans toute l’Europe un retour en arrière impressionnant pour les plus de mille ans qui suivirent aussi bien sur le plan des techniques que sur le niveau d’hygiène général. Plus aucun système d’évacuation des eaux usées, l’ère des pots de chambre leur succéda, vidés régulièrement par les fenêtres au cri de « gare à l’eau! », les rues sont alors transformées en cloaque nauséabond contaminant les sources d’eau potable. L’exemple du château de Versailles est édifiant. Habité par le roi et sa cour dès 1682, il ne disposait que de rares latrines pour les 3 000 personnes qui y habitaient ou y séjournaient quotidiennement.  La noblesse du royaume devait donc se soulager dans des chaises percées cachées derrières des paravents et régulièrement vidés par toute une armée de porteurs de seaux (de merde)… Il faudra attendre la fin du 19eme siècle et l’été caniculaire de 1858 qui fut la cause de « La Grande Puanteur » à Londres (en 1880 pour Paris) pour déclencher une prise de conscience et un réel effort pour améliorer les systèmes d’évacuation des eaux usées et équiper progressivement les capitales et villes européennes d’égouts dignes de ce nom. Les toilettes modernes avec chasse d’eau furent elles inventées par un Britannique en 1592, mais il fallut attendre plus de 300 ans pour les voir se démocratiser progressivement.

La gestion de nos excréments est donc un problème qui remonte aux débuts de la sédentarisation, il y a plus de 10 000 ans, qui a connu des hauts et des bas. Des civilisations urbaines très anciennes avaient réussi à développer des systèmes efficaces mais, comme pour d’autres, ce savoir faire a été perdu dans certaines régions du monde alors qu’il doit être littéralement réinventé dans certaines autres qui n’ont réalisé que récemment leur révolution urbaine dans des conditions bien souvent anarchiques avec des faubourgs constitués de bidonvilles tentaculaires dépourvus d’eau courante. Avec l’expansion prévue des populations humaines et la raréfaction des sources d’eau, les enjeux à venir sont colossaux, même en présence de systèmes actuellement suffisamment performants. Bill Gates s’y est intéressé de près à travers sa fondation, offrant un prix de 3,2 millions de dollars (Reinvent the Toilet Challenge) pour mettre au point les toilettes du futur capables de fonctionner sans eau, ni électricité, ni égouts et permettant de séparer l’urine des matières fécales qui pourraient alors être recyclées plus facilement. Rome a une fois de plus été pionnière dans ce domaine. Alors que le contenu des fosses sceptiques et les eaux usées des latrines publiques étaient semble-t-il utilisés comme engrais dans les cultures avoisinantes, l’urine était, elle, récoltée dans des amphores spécifiquement prévues à cet effet et utilisée comme source d’ammoniaque pour les tanneries. De nombreux articles récents dans la presse ont aussi souligné que l’urine est un très bon engrais. Alors, vive Bill Gates et ses toilettes du futur, grâce auxquelles on revendra à prix d’or pipi et caca!  Comme le disait l’Empereur Vespasien à son fils qui s’offusquait de sa nouvelle taxe sur les urines, l’argent n’a pas d’odeur*!

*pecunia non olet

à gauche: en haut, strates contenues dans une zone dépotoir à Çatalhöyük ou le dépôt orangé correspond aux coprolithes (A); en bas, coprolithe humaine trouvé dans la dans la grotte de Paisley (références images images); A droite: de haut en bas, latrines publiques d’Ostie, reconstitution d’un xylospongium, Bill Gates « on stage » pour parler de son toilet challenge avec un pot rempli de m…

https://www.francetvinfo.fr/sciences/les-excrements-les-plus-vieux-au-monde-decouverts-en-argentine_470240.html

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https://www.sciencesetavenir.fr/sciences/a-en-croire-ses-excrements-l-homme-de-neandertal-mangeait-aussi-des-vegetaux_2366

https://paleofoundation.com/coprolites-reveal-prebiotics-in-pre-agricultural-diet/

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https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/la-nature-selon-boucar/segments/entrevue/77509/toilettes-egouts-histoire-excrements-humain-evelyne-ferron

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-billet-vert/agriculture-l-urine-pour-faire-face-a-l-explosion-du-prix-des-engrais_5082604.html

https://www.silicon.fr/bill-gates-fondation-reinventer-toilettes-77537.html

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Pecunia_non_olet